Toussaint
- be_caro
- il y a 12 minutes
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En ce matin de Toussaint me revient encore une fois cette pensée qui s'est présentée déjà mille fois aux portes de mon esprit : c'est moi qui aurai dû mourir. Pendant longtemps, je l'ai repoussée, ravalée en quelque sorte, d'autant plus qu'elle est indicible à un entourage déjà en souffrance. Puis je me suis rendue compte que rejeter cette idée, c'était ne pas tenir compte ni de ce que je ressentais profondément, ni de notre histoire.
Mais pour laisser être vraiment cette pensée, il m'a été nécessaire de lui ôter toute culpabilité. La regarder en face, c'est me souvenir qu’alors que j’étais de trois ans la cadette de mon mari, le cancer avait redistribué les cartes : il était désormais évident que je partirai la première, tout comme il a été évident, plus tard, que ma disparition avait été provisoirement mise sur pause...
Après plus de deux ans et demi, nous avions enfin suffisamment repoussé la mort pour que l'horizon se dégage et que les projets d'avenir puissent reprendre. Outre le choc et la brutalité que provoque toute mort soudaine, celle de mon mari a entraîné une forte dissonance pour nous tous. Pour moi, la malade en rémission ; pour ma fille de 10 ans qui avait intégré que sa mère pouvait mourir, mais n'avait pas imaginé que son père le pouvait aussi ; pour nos amis qui ont cru, en voyant mon appel à une heure inhabituelle, que la récidive tant redoutée avait frappé à ma porte.
La mort était bien là. Elle n'a pas pris la peine de toquer, elle a ouvert brutalement la porte et s’est saisi de mon mari. Alors aujourd'hui j'accepte cette pensée que j'aurais dû mourir avant lui, j'essaie de lui faire une petite place et de lui ôter ses armes, la coloration morale qu'elle pourrait prendre, la culpabilité qu'elle pourrait charrier avec elle. Bon gré, mal gré, elle fait partie de mon chemin d'endeuillée.




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