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Faire le deuil de soi

  • be_caro
  • il y a 12 minutes
  • 2 min de lecture

Au quotidien je n'ai pas peur de la récidive, ce qui ne veut pas non plus dire que je n'y pense pas. Depuis que j'ai passé les gros traitements, je cherche des cailloux blancs pour penser la fin de vie. Si notre société préfère regarder ailleurs, je ressens le besoin de m'outiller pour faire face à ces moments.


Cette question, Nicolas Menet l'a prise à bras le corps avec tout son bagage de sociologue et une puissante volonté de faire de son histoire, de ses choix, de sa façon de vivre sa dernière année de vie, non seulement un témoignage engagé sur le sujet, mais un projet politique. Cette alliance entre un vécu si humain et cette acuité intellectuelle en font un livre exceptionnel.


On y parle de pulsion de vie archaïque, de liberté fondamentale faite de présent total. Si les deuils sont nombreux (deuil de soi, du futur, de l'identité, de ne jamais pouvoir rendre à l'entourage, etc.), j'ai aimé découvrir le mot et la notion de "contre-deuil". J'y serai désormais plus attentive. Et ce qui m'a profondément nourrie, c'est la dimension collective qui est au centre de l'ouvrage. Accepter (qui n'est pas consentir) sa fin de vie c'est aussi apaiser l'entourage et par là-même maintenir sa place et son utilité dans le groupe, le préparer à l'après :

... on peut considérer le projet de fin de vie comme un acte de création et d'amour ultime laissé par le défunt. (p.84)

Faire le choix d'avoir un projet de fin de vie, c'est redevenir homme libre après la chosification vécue en hôpital; c'est revenir de plein pied dans la communauté des hommes. Ensuite vient la transmission (d'un récit, d'un objet, d'un secret, d'une émotion, d'un souvenir etc.) qui est essentielle en ce qu'elle crée un pont entre les vivants et les morts.


J'imagine d'abord être utile jusqu'au bout, rassurer, aimer, vivre des moments collectifs non centrés sur moi. (p.93)

Ce cheminement n'exclut pas la peur, celle viscérale, génétique de mourir, mais savoir qu'il pourra partir avec une sédation profonde enlève ad minima l'angoisse de mourir dans la souffrance en permettant de

... faire disparaître la perception d'une situation jugée comme insupportable par le patient... (p.153)

L'engagement de Nicolas Menet se traduit par une lettre aux législateurs, ponctuée d'une nouvelle où il imagine comment seraient les soins palliatifs si nous étions ouverts à ces questions bien en amont de notre fin et mettions en oeuvre ses recommandations. Peut-être est-ce en cela que j'aurais avancé avec la maladie: elle m'a rendue indispensable la nécessité de prendre du temps pour penser la mort. Sur ce chemin, je garderai près de moi ces mots :

La mort et la maladie font partie de ces situations prétendument insurmontables, mais nous ignorons trop souvent les ressources que nous avons en nous pour les affronter. Ce sont des ressources naturelles, de l'ordre du biologique. Mais de ce naturel, de ce biologique, nous sommes coupés. (p.162)



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