Se présenter

Le cancer a mis mon identité au centre du jeu en m'enjoignant un parcours fait de violentes atteintes au corps. J'ai embarqué mon esprit et mon histoire dans les métamorphoses successives que la médecine imposait à mon corps, comme si je faisais tapis et misais tous mes jetons sur le fait qu'une autre moi allait advenir.

Dès l'annonce j'ai choisi vivre cette maladie en tant que femme. Parce qu'elle touchait ma féminité, mais aussi parce que je sentais qu'elle me concernait, me parlait intimement. Du coup, j'ai balayé du revers de la main les personnes qui m'enjoignaient de me "battre pour mes enfants". Au contraire, je me suis dit que si je n'avais pas (ou ne trouvais pas) de raison, de motivation, de volonté de poursuivre ma vie, alors je ne voyais pas bien de quel message je serai porteuse pour mes filles.

Dernièrement, alors que je devais me présenter au sein d'un groupe, je me suis sentie acculée... sans emploi, ne sachant pas vraiment encore de quoi demain sera fait, j'ai eu le sentiment que ce qui me définissait le mieux restait encore la maladie ou, du moins, la transformation qu'elle avait précipitée. C'était dur à accepter... comme si le cancer avait encore une (em)prise sur moi... et en même temps, c'était ma vérité du moment.

Depuis, je réfléchis à une autre réponse à cette question certes banale, mais oh combien significative, de savoir comment me présenter. Une première étape serait peut-être de dire que je suis une personne qui se reconstruit, sans toutefois nommer la cause. Peut-être que ce serait un premier pas hors de la maladie. Celui-ci me conduirait à une autre appartenance, celle de gens que la vie a fracassés et qui sont en train de se relever. De même qu'on ne se redresse rarement d'un seul coup, j'ai probablement besoin d'un entredeux avant de ne plus avoir besoin de nommer cet épisode de ma vie.