Le livre de Sophie Galabru regorge de pépites pour qui est prêt à se plonger dans la temporalité abrupte des dernières fois. Qu'elles soit attendues, choisies ou subies, elles entraînent dans leur sillage des questions abyssales : peut-on s'y préparer? la volonté y suffit-elle? comment intégrer une fracture dans l'histoire de notre vie? la rumination serait-elle une forme de résistance? pourquoi demeure-t-on dépend d'une substance même après la dernière prise?
Les dernières fois, j'en ai vécu un paquet depuis deux ans et demi. Beaucoup sont liées aux transformations imposées par la maladie, mais il y a un mois environ, j'ai perdu mon papa. Et Sophie Galabru a mis du baume sur mon coeur lorsqu'elle m'a aidée à comprendre qu'il est impossible de se préparer au départ d'une personne chère et qu'
Il faut admettre une part inconsolable pour pouvoir se relever. (p.195)
En explorant de nombreux domaines et situations, l'auteur ôte un à un les voiles et on comprend que nos dernières fois nous renvoient aussi à notre volonté de maîtrise (du temps, de la relation, de la substance, de la mort, etc.). Admettre notre impuissance, c'est faire un pas vers la continuité de la vie et sa vitalité intrinsèque.
Ce livre m'a aussi sortie de l'ornière dans laquelle on a vite fait de se retrouver dans le post-cancer : celle de la boulimie d'expériences due au temps que nous nous mettons à compter parfois de façon obsessionnelle tant il faut à tout prix profiter de la vie tant qu'il est "encore temps". Or compter ces moments heureux, les thésauriser ne nous est d'aucune utilité.
Vivre heureux, c'est refuser d'être l'otage d'un budget temporel. (p.205)
Enfin, je retiens également que si nous avons besoin de récit pour donner du sens à des événements qui bouleversent nos vies, il ne faut pas pour autant être dupe de ce découpage. Le présent, le passé et le futur s'interpénètrent: ce que j'ai vécu continue de faire oeuvre en moi et
Ce que l'autre fut pour moi est aussi un lien spirituel qui se déploie et s'explicite au fur et à mesure de ma vie. (p.68)
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